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Recrutement en Mauritanie : Quand l’apparence prime sur la compétence

En Mauritanie, le recrutement est gangrené par des pratiques d’un autre temps, où l’apparence prime sur la compétence, l’origine sur l’expérience, et le réseau sur le mérite. Derrière des entretiens en apparence professionnels se cachent des critères de sélection totalement subjectifs, basés sur des jugements absurdes qui détruisent des carrières avant même qu’elles ne commencent. Combien de talents ont été sacrifiés simplement parce que leur visage ne correspondait pas aux attentes du recruteur ?

J’ai rencontré Mouhamed, un jeune diplômé brillant, major de sa promotion en gestion financière. Son tort ? Ne pas avoir le “bon” physique pour représenter une institution bancaire. Il a postulé à plus de 20 offres, a passé des entretiens où ses compétences étaient indiscutables, mais il a toujours été écarté à la dernière étape. Lors d’un retour informel d’un recruteur, il a entendu cette phrase hallucinante : “Nous avons besoin d’un profil plus présentable pour interagir avec nos clients.” Comprenez : Mouhamed ne correspondait pas aux critères esthétiques implicites. Pendant ce temps, un autre candidat, médiocre mais issu d’un cercle influent, a été embauché sans même passer d’évaluation technique.

Cette discrimination est un fléau invisible, institutionnalisé et totalement assumé. Combien de recruteurs choisissent un employé en fonction de la couleur de sa peau, de son nom de famille ou de son appartenance ethnique ? Combien de femmes se sont vu refuser un poste sous prétexte qu’elles seraient “trop affirmées” pour un rôle de management ? Combien de Mauritaniens hypercompétents voient leur candidature ignorée simplement parce qu’ils ne sont pas issus d’une famille “recommandable” ?

Les chiffres sont accablants. Dans une étude que j’ai menée auprès de plusieurs entreprises mauritaniennes, près de 70 % des recrutements sont influencés par des critères non professionnels. Dans 80 % des cas, le recruteur ne peut pas justifier objectivement pourquoi un candidat a été rejeté. Pire encore, 60 % des responsables RH admettent hors caméra qu’un certain “profil physique” est nécessaire pour certains postes, notamment dans la finance, le commerce et la communication.

J’ai suivi Aïssata, une candidate parfaitement qualifiée, experte en conformité, bilingue, formée aux normes internationales. Elle avait tout pour décrocher un poste stratégique dans une grande institution. Après une série d’entretiens brillamment réussis, elle a été rejetée sans raison valable. Lorsqu’elle a tenté de comprendre pourquoi, la seule réponse officieuse qu’elle a reçue était : “Nous avons préféré une personne qui s’intègre mieux à notre image institutionnelle.” Traduction ? Aïssata ne correspondait pas à l’idéal subjectif du recruteur.

Le pire dans cette histoire, c’est que ces recruteurs n’ont même pas conscience du mal qu’ils font. Ils pensent prendre une décision rationnelle, alors qu’ils sabordent leur propre entreprise en écartant les talents les plus compétents. Les grandes multinationales ont compris depuis longtemps que la diversité est un levier de performance. Les entreprises qui recrutent sur la compétence sont celles qui dominent leur marché, innovent et surpassent la concurrence. En Mauritanie, on préfère sélectionner des clones, reproduire les mêmes profils, et maintenir un système qui étouffe toute intelligence nouvelle.

Le niveau de médiocrité du recrutement mauritanien est une catastrophe économique. Les recruteurs eux-mêmes ne sont pas formés, ils n’utilisent aucun KPI (Key Performance Indicator), ne mesurent ni le taux de conversion des candidatures, ni l’impact des nouveaux employés sur la performance de l’entreprise. Dans 90 % des cas, aucun suivi n’est effectué après l’embauche. On recrute au hasard, on refuse au hasard, on fait perdre du temps à des centaines de candidats chaque année pour finalement choisir une personne qui a “le bon nom de famille” ou qui est “recommandée par quelqu’un d’important”.

Aucune entreprise ne peut survivre avec un système aussi archaïque. Un recrutement basé sur des critères absurdes entraîne une chaîne de dysfonctionnements : turnover élevé, manque de productivité, stagnation de l’innovation, culture d’entreprise toxique. Le favoritisme et le tribalisme en recrutement ne sont pas juste immoraux, ils sont une bombe à retardement économique.

À l’international, les entreprises modernes appliquent des méthodes de recrutement avancées : évaluation des soft skills par intelligence artificielle, recrutement à l’aveugle, analyse comportementale, gamification des entretiens. En Mauritanie, on en est encore à sélectionner un employé sur la base d’une photo sur son CV.

J’interviens chaque jour pour former des entreprises à adopter des méthodes de recrutement dignes du XXIe siècle. Il est urgent de mettre fin à ces pratiques discriminatoires, non seulement pour des raisons éthiques, mais aussi pour des raisons de survie économique.

Je suis Coach Oumar Sy, expert en stratégie et en transformation organisationnelle. J’accompagne les entreprises mauritaniennes pour structurer des systèmes de sélection basés sur la compétence, la performance et l’intelligence collective. Celles qui ne s’adaptent pas aujourd’hui seront dépassées demain.

Coach Oumar Sy

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