Il est des blessures que l’on porte comme des cicatrices invisibles, des marques laissées par des mains proches, par des mots tranchants ou des silences lourds. Ces blessures, qu’elles viennent de l’amitié, de la famille ou des relations professionnelles, s’incrustent dans la trame de notre être et façonnent nos perceptions, notre rapport aux autres, et parfois même, notre vision de nous-mêmes. La valeur de l’amitié, de la famille et de l’entraide devient alors une quête presque mystique, un chemin où chaque rencontre peut être un baume ou une lame.
Dans cette quête, je découvre que les gens ne changent pas nécessairement, mais qu’ils révèlent des facettes d’eux-mêmes lorsque les vents tournent, surtout dans les moments d’incertitude ou de dureté. Quand les jours sont éclairés par le succès, les sourires et les accolades foisonnent. Mais dès que les nuages s’amoncellent, que des choix difficiles doivent être faits ou que des échecs surgissent, beaucoup s’éloignent. Ce n’est pas la pauvreté qui les effraie, mais l’ombre des décisions que nous avons prises, les fractures que nous portons. Ces instants deviennent des révélateurs d’une vérité souvent inconfortable : l’entourage n’est pas toujours le miroir de nos attentes.
Face à cela, je me permets parfois de me retirer, de me présenter à moi-même comme on découvre un inconnu. Comprendre les valeurs que j’ai en moi exige une certaine solitude, une mise à distance du tumulte du quotidien. C’est une introspection nécessaire, presque thérapeutique, qui me permet de discerner ce qui, en moi, est façonné par les regards extérieurs et ce qui est ancré, immuable. Cette démarche, bien que solitaire, nourrit mon humanité et mon approche du monde social et professionnel.
Dans ce monde, les catégories socioprofessionnelles deviennent des prisons pour l’esprit. Elles segmentent, hiérarchisent et parfois vident l’individu de sa substance. On parle de retour sur investissement, de productivité, mais combien de ces travailleurs, enfermés dans des cases, sont réellement vus pour ce qu’ils apportent au-delà des chiffres ? Je pense à La Société du Spectacle de Guy Debord, où il décrit une humanité réduite à des rôles, des performances, des apparences. Dans ces rôles, beaucoup peinent à se connecter à leur essence, à s’affranchir des attentes pesantes de structures souvent insensibles à la profondeur humaine.
Les sémiologues allemands évoquent souvent le concept de Gestalt, cette idée que l’ensemble dépasse la somme de ses parties. Pourtant, dans nos entreprises, l’individu est morcelé : un employé n’est plus qu’un ensemble de tâches, un rôle isolé du tout. Cela me frappe chaque jour dans mon métier. En tant que Brand Manager, je dois jongler avec des impératifs de chiffres, des stratégies déshumanisées et des attentes souvent irréalisables. Mais au fond, ce qui m’importe, c’est de réintégrer l’humain dans cette mécanique froide. Je veux voir au-delà des segments, des KPI, des tableaux Excel. Je veux comprendre la personne derrière le rôle.
Cette polyvalence, que l’on attend de moi, me pousse à devenir une sorte de caméléon, capable de m’adapter, de comprendre, d’anticiper. Mais ce que beaucoup ignorent, c’est que cette capacité à jongler avec des attentes multiples n’est pas une force innée. Elle est le fruit d’une réflexion constante, d’un respect profond pour l’humain, et, paradoxalement, d’une peur presque instinctive de faire du mal. Beaucoup pensent que cette retenue est de la faiblesse, mais en réalité, c’est la peur de blesser inutilement, de réduire l’autre à une simple variable dans une équation complexe.
Les anecdotes jalonnent mon parcours, et certaines marquent plus que d’autres. Je me souviens de ce collaborateur qui m’a confié un jour : “Je ne suis qu’un rouage dans cette machine.” Ses mots portaient une tristesse lourde, une résignation qui m’a profondément touché. Comment en sommes-nous arrivés là ? À considérer l’individu comme un simple élément interchangeable, un outil parmi d’autres. Je lui ai répondu que ce qu’il apportait, même s’il semblait insignifiant dans la grande mécanique, avait une valeur inestimable : celle de porter une histoire, une identité, une vision unique.
Je vois cette quête de sens dans mes interactions sociales et professionnelles. Les moments de succès attirent, mais les moments de doute, eux, révèlent. Il est rare de croiser des gens capables de tenir bon face à l’épreuve, des âmes assez solides pour rester quand tout vacille. Cela m’a appris à distinguer l’essentiel du superflu, à cultiver un cercle restreint mais authentique. Comme le dit Viktor Frankl dans L’Homme en quête de sens, “Ce n’est pas ce que nous attendons de la vie qui compte, mais ce que la vie attend de nous.”
Je me découvre davantage chaque jour. Je perçois mes propres contradictions, mes limites, mais aussi ma capacité à évoluer, à m’adapter. Dans ce processus, la famille, l’amitié et l’entraide restent des piliers essentiels. Ces liens ne sont pas parfaits, ils sont parfois fragiles, mais ils me rappellent que l’humanité réside dans l’imperfection.
Le changement des comportements de certains proches dans les moments difficiles est une leçon en soi. Ces comportements, bien qu’ils puissent blesser, révèlent une vérité sur les attentes et les limites des relations humaines. C’est dans ces moments que je m’efforce de garder un regard empathique, de comprendre que les autres, comme moi, sont façonnés par leurs propres blessures et insécurités.
Professionnellement, cette vision se traduit par une volonté de construire des espaces où l’humain prime. Dans un monde où les catégories socioprofessionnelles dictent les interactions, je veux réintroduire la connexion, le respect, la compréhension. Mon métier m’offre cette opportunité, mais il me confronte aussi à des systèmes qui privilégient l’efficacité au détriment de l’émotion.
À travers tout cela, je m’interroge constamment : comment réconcilier le social et le professionnel ? Comment préserver cette humanité dans un monde qui tend à la rationaliser, à l’effacer ? La réponse, je la trouve dans l’équilibre entre introspection et action, entre respect des autres et affirmation de soi.
Cette quête n’est pas une destination, mais un voyage. Et sur ce chemin, je continue à apprendre, à tomber, à me relever. Je ne cherche pas la perfection, mais la sincérité, dans mes relations, dans mon travail, et surtout, dans ma propre découverte de moi-même.
Coach Oumar Sy
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