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Mon Quotidien / Épisode 11 : Ce Que Nous Ne Savons Pas des Autres

par Coach Oumar Sy

Il arrive des instants où l’être humain devient un fragment d’ombre dans une lumière trop crue. Ces moments suspendus, où l’on croise des regards sans les voir, où des murmures d’existence se perdent dans le vacarme des routines. Là, dans ces espaces où rien ne semble bouger, combien de batailles se mènent, silencieuses, à peine discernables pour les yeux inattentifs ?

Il y a cet homme, assis derrière son bureau, le visage marqué d’une fatigue que personne ne questionne. Est-ce le poids des chiffres, des échéances ou d’une douleur qu’il garde pour lui ? On ne le sait pas. Il travaille, il sourit parfois, il s’efface souvent. Quand la pendule atteint une certaine heure, il quitte la pièce d’un pas discret, comme un automate réglé sur un rituel incompris. Personne ne demande pourquoi. Ce serait trop, peut-être.

Et puis cette femme, qui parcourt les couloirs avec une élégance fragile. Son allure est impeccable, mais son souffle trahit des failles que ses mots ne révèlent jamais. Elle parle peu, écoute beaucoup, s’efforce de rester entière dans un monde qui la morcelle. Chaque matin, elle est là, à son poste, comme si l’oubli de soi était le prix à payer pour avancer.

Ils ne sont pas seuls. Il y a aussi ce jeune homme, toujours souriant, qui plaisante avec tout le monde, mais dont les yeux portent une lueur d’inquiétude. Que cache-t-il ? Un rêve en suspens, une peur de l’avenir, ou une blessure qu’il tait par pudeur ?

Dans cet environnement, les silences pèsent plus que les mots. Les luttes ne se disent pas, elles se devinent à peine. Combien d’entre eux vivent avec une douleur chronique, une maladie invisible, un secret lourd à porter ? Combien doivent se battre pour garder l’illusion d’une normalité, pour que le monde ne s’arrête pas de tourner autour d’eux ?

Les gestes sont précis, répétés, presque mécaniques. Chacun joue son rôle dans cette grande scène qu’on appelle le travail. Mais sous les apparences, des failles se dessinent. Celui qui disparaît à la tombée de la nuit pour aller chercher un remède, celle qui serre les dents pour ne pas craquer, et cet autre qui rit pour ne pas pleurer.

Les jugements flottent, parfois, comme des ombres. Pourquoi est-il si distant ? Pourquoi part-elle si vite ? Pourquoi ce silence, cette absence, cette retenue ? Ces questions ne sont jamais posées à voix haute, mais elles s’insinuent, elles entourent. Les réponses, elles, ne viendront pas. Parce qu’ici, tout doit rester en surface.

Le décor est froid, impersonnel. Des murs blancs, des lumières artificielles, des espaces qui se ressemblent, sans âme. Et pourtant, chaque bureau, chaque chaise, chaque couloir est le théâtre d’une histoire que personne ne racontera. Des luttes invisibles, des combats intérieurs qui se jouent dans l’ombre, loin des projecteurs.

À Nouakchott, comme ailleurs, la vie continue. Les rues s’emplissent de bruits, de mouvements. Mais combien, dans cette foule, portent un fardeau qu’ils n’ont confié à personne ? Combien avancent avec une force qu’ils n’ont pas choisi d’avoir, un courage qu’ils n’ont jamais voulu démontrer ?

Dans ces espaces partagés, où les visages se croisent sans se rencontrer vraiment, il y a une leçon que l’on oublie souvent : chacun porte quelque chose. Une douleur, une peur, une responsabilité. Et ce poids, invisible pour les autres, devient parfois insupportable pour celui qui le porte.

Alors, peut-être faudrait-il apprendre à regarder différemment. À voir au-delà des gestes, au-delà des silences. Parce qu’entre ces murs, dans ces rues, des vies se tissent en filigrane, des histoires se cachent, des êtres se battent pour exister, pour tenir, pour espérer.

Et si, un jour, ces luttes devenaient visibles, que dirions-nous ? Aurions-nous la force de les comprendre, de les accueillir, de les respecter ? Ou continuerions-nous à détourner le regard, à nous contenter de jugements rapides, d’indifférences polies ?

Dans cette brume de non-dits, chacun avance comme il peut. Certains se battent avec des pilules, d’autres avec des sourires, d’autres encore avec des absences. Et pourtant, tous partagent la même quête : celle de rester debout, malgré tout.

Coach Oumar Sy

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